Benoit Sauvage
Deloitte
Ce court article se propose de faire un point sur les réglementations d’actualité en quatre étapes.
Tout d’abord, il est intéressant de placer le débat réglementaire en perspective, avec Deloitte pour son service de veille, nous identifions en moyenne 400 publications mensuelles au court des trois dernières années et ce sur un périmètre « luxembourgeois » impactant une entité résidente classique. Il apparaît très clairement que la charge réglementaire est une composante systémique de la stratégie commerciale de toute organisation. Une approche règlementaire moderne requiert une démarche nouvelle, autre que par silo et une structuration optimale de l’organisation pour identifier et gérer ce flux continu.
Avec l’application de MIFID II en début d’année, il eut été logique de s’attendre à un fléchissement dans la production de textes légaux, ce n’est pas le cas dans les faits. À l’analyse, si les « Grandes Réglementions » sont belles et bien clôturées, il se trouve que les mesures de niveau II et III ont pris le pas sur les textes cadres. Fini des nouveautés, place aux détails et mesures techniques. Celles-ci ne sont pour autant pas à sous-estimer, leur impact est largement structurant et comme nous pouvons le voir dans les cas MIFID, PRIIPS CRD…, avoir des conséquences bien plus vastes et profondes que ne l’aurait laissé penser un niveau I déjà fort complet.
À ce stade et en troisième étape, nous constatons que les éléments moteurs de l’aire actuelle de réglementation changent et accélèrent le changement de la dynamique de l’industrie financière. Ici trois des tendances structurelles que l’on pourrait qualifier de mega-trends, car bien au-delà de simples ajustements, elles convergent et s’amplifient l’une l’autre.
La première est qu’aujourd’hui, le monde financier est beaucoup plus régulé que par le passé, un simple exemple : MIFID II arrive à environ 6 000 pages de textes contre peut être 500 pour MIFID I.
La transparence des marchés et des acteurs, promise depuis 2009 est aujourd’hui belle et bien présente. Jamais par le passé les acteurs n’auront été aussi transparents, au risque d’ailleurs de submerger les clients d’informations plus ou moins utiles. Ceci étant, cette transparence va forcer toute l’industrie à s’organiser de manière différente pour répondre aux demandes de transparence : produire les rapports, les chiffres et autres indications, mais aussi répondre et s’ajuster aux demandes de clients et de l’industrie. À titre d’exemple, MIFID II interdit la réception de rétrocessions en gestion discrétionnaire, ceci implique que les drivers de cette gestion vont évoluer vers des produits sans rétrocessions par exemple des ETFs, impactant ainsi à moyen terme l’industrie des fonds UCITS (principalement dans les approches les plus passives). La transparence va également augmenter la compétition entre acteurs ; la mise à disposition des prix pourra être utilisée par la concurrence pour benchmarking.
Enfin la troisième tendance est naturellement digitale, les offres classiques et les clients évoluent vers des solutions digitales qui imposent une revue structurelle de l’organisation bancaire (nouveaux systèmes plus agiles) pour répondre instantanément aux attentes des clients, des concurrents et des autorités.
Le quatrième angle d’attaque porte sur les réglementions futures, au niveau européen une tendance forte porte sur les domaines green et sustainable finance. Cette tendance va s’inscrire dans la durée sur plusieurs cycles de commissions, et commence début mai avec des ajustements au niveau MIFID II et suitability. Un second domaine récemment ouvert est le digital avec les fintech, regtech et autres blockchain, AI ou deep learning, chantiers ouverts également pour des années. Enfin, dans cet aspect règles futures et bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de réglementation, Brexit va influencer lourdement les aspects règlementaires dans les relations UK-EU imposant a minima une revue complète des relations contractuelles, flux de brokerage, voire dans les aspects de calcul prudentiel si les agences de notations ne sont pas reconnues avant la sortie. Ceci pour autant que Brexit se déroule selon le plan prévu : sortie mars 2019, transition jusque fin 2020, plan qui pourrait être dévié par tout événement politique dans l’intérim et accélérer le mouvement vers une rupture plus abrupte. Sur ce dernier point et même sans présence active sur le territoire UK, il est plus que recommandable de procéder à un health check afin de mettre en évidence les risques potentiels sur le business model. À moins d’une année de la sortie, le passage au mode opérationnel est plus que nécessaire.
Pour conclure, à l’agenda des mois et années futurs, nous pouvons lister pour 2019 la refonte des institutions européennes avec l’élection d’un nouveau Parlement européen, de nouveaux commissaires et allocations des tâches dans un univers post Brexit et biens sur le pouvoir des autorités financières (ESMA et EBA). En parallèle, l’aire des clauses de revues va entrer en vigueur après celles déjà discutées telles EMIR et vont arriver AIFMD, UCITS, PRIIPS, CRR II et même III à la suite de la finalisation de Bâle III.