Maladie au travail: dépasser les tabous

La gestion de la maladie est souvent un sujet délicat dans les entreprises. Absentéisme, malaises, non-dits ou stress font souvent partie du lot. Écoute et soutien des RH peuvent pourtant contribuer à dénouer certaines situations tendues. Le POG organisait ce matin un petit déjeuner consacré à ce sujet aux multiples ramifications.

Administrative et juridique, la question de la maladie en entreprise est aussi sociale, psychologique et humaine, elle se frotte à la performance, au bien-être, à la santé, ainsi qu’à la rémunération, dans le cas des absences prolongées. Souvent compliquée à gérer dans la pratique, puisqu’elle touche à la vie privée du collaborateur concerné, elle mobilise toute une série d’acteurs: RH, managers de ligne, experts de l’Adem ou de la Caisse nationale de santé, médecins du travail, psychologues…

«La maladie d’un collaborateur n’est généralement qu’une étape transitoire dans la vie de l’employé. Elle ne devrait pas être taboue. C’est souvent, fort heureusement, un épisode passager dans une carrière. En discutant avec la personne, on sait que certains aménagements ne seront que temporaires», souligne Jennifer Cunningham, co-organisatrice de l’événement pour le POG, la communauté RH grand-ducale, et DRH chez East-West United Bank.

Détecter les premiers signes

Pour Nathalie Moraux, DRH de la banque Degroof Luxembourg, administratrice du POG et autre co-organisatrice du petit déjeuner, le rôle du département RH est de détecter les signes avant-coureurs. «Il y a deux grands volets à la gestion de la maladie dans le cadre professionnel. Le premier pilier est purement administratif. Il s’agit de maîtriser l’info et le reporting. En ayant les bons indicateurs, on peut généralement sensibiliser plus efficacement. Le deuxième a plus à voir avec la gestion humaine du problème, soit le suivi de la personne malade et de son équipe.» La responsabilité incombe aussi aux managers directs, qui doivent réussir à se montrer vigilant et disponible. «Je contacte toujours le responsable de la personne en souffrance. Mon réflexe est ensuite souvent de conseiller à celle-ci de se rendre auprès de l’ASTF, qui fournit une assistance anonyme et professionnelle. Les RH ne sont pas forcément des psychologues de métier, on risque parfois d’aggraver les choses en voulant bien faire.»

Au sein de la banque, une fois par an, les RH font un état des lieux en croisant le nombre d’absences avec le taux d’absentéisme, et en tenant compte du facteur Bradford, un coefficient qui révèle l’occurrence des congés maladies. «Des absences répétées tous les 15 jours peuvent passer plus inaperçues qu’une maladie de trois mois. Pourtant, les conséquences peuvent être tout aussi lourdes pour les collègues chargés de travailler deux fois plus pour suppléer. Il faut les gérer, surtout que ces absences ponctuelles peuvent cacher une démotivation globale, des problèmes sociaux ou d’addiction. Ce sont des indicateurs de malaise à considérer. Certaines tensions peuvent se résoudre par le dialogue.» Dans certains cas, il faudra imaginer des aménagements du temps de travail ou une mobilité en interne.

Reconversions internes et externes

Mi-temps thérapeutiques, reclassements internes et externes, ainsi que contrôles médicaux s’accompagnent pour le RH d’obligations administratives parfois complexes, l’Adem réclamant le respect de conditions très précises. Une fois le dossier transmis au médecin du travail, celui-ci devient une pièce maîtresse de la procédure. À lui de déterminer si la personne est apte ou non à occuper son dernier poste de travail. Il transmet son analyse à la commission mixte de l’Adem, en charge de ce type de dossiers, qui se chargera à son tour d’obtenir une prise de position de l’employeur quant à une éventuelle réorientation.

Un projet de loi très attendu pourrait venir changer la donne. «Le reclassement n’est pas encore limité dans le temps. Dans certains cas, il peut se prolonger jusqu’à la pension de vieillesse», explique Pierre Bayonnove, secrétaire adjoint de la commission mixte de l’Adem. «Par définition, l’état de santé évolue, tout type de solution peut être réévalué. Le Luxembourg est un des rares pays où il est possible de travailler à mi-temps, tout en étant payé à plein temps. Il faut en être conscient.» Dans le cas de reclassements internes, des cours de langue, des formations ou des aménagements de postes liées à un handicap peuvent être financés par l’Adem.

Un reclassement externe interviendra généralement quand la personne malade n’a plus la capacité physique de reprendre son ancien poste ou lorsque le contrat vient à échéance, suite au dépassement du délai maximal de 72 semaines d’absence consécutive. «Ce qui est important pour la commission est de déterminer une aptitude ou une inaptitude claire. Il n’y a pas d’entre deux chez nous. Il y a quelques années, on était dans un rapport de 2/3 pour les reclassements externes et 1/3 pour les solutions en interne. On va davantage vers un ratio de 50/50», mentionne encore Pierre Bayonnove.

Cette rencontre était le troisième événement consacré à la thématique. Le prochain et dernier rendez-vous aura lieu le 4 juin de 17 à 19h et sera articulé autour de différents témoignages et retours d’expérience de RH.

Source : Parperjam.lu

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